lundi 21 août 2017

Noli me ducere




Marche nus-pieds entre tous les serpents

Laisse le taon te piquer,
Le chien te mordre,
Le fantôme des nuits
Longtemps te visiter
Laisse la peur entrer,
Laisse-la s'installer,
Et au dernier moment,
Tue-la d'une volée

Ne fuis pas le matin
Ne tente non jamais
De leurrer ton destin
Il te rattraperait

Ne dis pas que l'amour
Est une peine perdue
Ne fais donc pas le sourd
L'aveugle ou le reclus
Ne sois pas cet idiot
Qui s'enferme en son fort
Qui enclot son empire
Autour du moindre effort

Ne dis pas "non jamais"
Ne scelle pas ta langue
Autour d'une langue morte
Ne règle pas tes pieds
Ne ferme pas ta porte
Ne laisse pas l'inquiet
T'administrer l'escorte

Ne dis pas "c'est trop tard"
Ne dis pas "c'est trop tôt"
Accepte le retard
Et l'imprévu cadeau
Que la vie peut t'offrir
A toute heure
En toute eau

Nous sommes du hasard
De la graine au tombeau

Nous sommes les histoires
Que l'on sème au berceau

Nous sommes les espoirs
D'un Monde vaste et beau



vendredi 18 août 2017

Et de vive voix...




Mais toute poésie est une langue inerte et sourde avant d'être performée : lue, chantée, psalmodiée, criée, pleurée, éructée, vomie quelquefois... la poésie advient au monde et se réalise en advenant au son, en s'incarnant en voix : avant ça, elle n'est guère qu'un regret, un lieu mort de l'esprit, une plainte muette : un squelette qui passe en quête d'une peau : les poètes muets "maudits" sont ainsi récupérés à nos époques : emprisonnés dans des livres poussiéreux, leurs textes étaient soupirs, murmures emmurés dans l'encre lacrymal : sauvés par la musique, sauvés par les aèdes des rhapsodies modernes, leur âme est libre enfin de déserter les larmes des lettres qu'on oublie de rendre à la lumière de la parole qui invoque, tel un carme, l'obsessionnel en nous : le sacré qui s'incarne en chacun de nos mots, que l'on ne retient pas, que l'on pousse des lèvres, dans le vent qui les porte, pour qu'ils germent et croissent, et façonnent des mondes où la muse des vies, un temps, s'invitera...