Le jour dit du non-temps, ne le réveillez pas : on laissera le jour décider où la nuit débutera son cours, on plantera l'aiguille des horreurs et des mines dans le noir cul de sac opaque de l'oubli, on nagera longtemps sans savoir bien vers quoi, on passera le cap des sirènes mornées, où l'on déjeunera de rêves éveillés, dans une assiette à trous, pour que les aliments puissent mieux respirer, avec une fourchette en forme de nuage, parce que le contraire serait trop volatile, on mangera aussi des siestes à la framboise, des hamacs à la fraise et de l'eau parfumée à l'ombre des Tropiques, on perdra pied souvent, mais pas deux fois le même, quelquefois on dira des choses sans pareil avec l'accent léger des oiseaux xylophones, des choses comme ça, qui changeront de sens à chaque unique fois qu'on les prononcera, qui changeront de sons et seront éloquentes, comme une page blanche qu'on plierait en bateau. Alors, on y embarquera tout ce monde changeant, comme Noé jadis, on lèvera la voile, on laissera le temps sortir de son coma, on aura pris bien soin de lui laisser les clés du cul de sac où sont bien cachées ses aiguilles - car il y a des gens qui perdraient mieux la vie que de perdre leur temps, il faut penser à eux, c'est aussi ça l'altruisme, un lieu de compromis, bien trop compromettant -, mais quand tout reviendra, le temps et ses aiguilles et le monde qui court en confinant la vie, nous serons loin déjà, la voile en papier blanc aura battu des ailes, comme le grand navire léger de Peter Pan, et nous voyagerons de non-temps en non-temps, à la recherche du secret du Petit Rien, qui fait tourner la vie, lentement, lentement...