dimanche 13 janvier 2013

Science-fiction et mouvements lexicaux



Un monde où tout contact humain s'établirait toujours, par connexion instantanée réciproque et formulaire préalable administré d'office, redéfinirait, par là même, la valeur intrinsèque de l'acte nommé viol, hissant celui-ci au plus haut échelon de résistance humaine : le viol n'étant plus alors celui d'un corps étranger, mais d'une interdiction et d'une rétention de chacun en soi-même.

Au delà de toute la bavarde science-fiction que cela entraîne, un pareil scénario, certes pris au rabais, actualise au moins ceci :

Le monde change, les termes demeurent, mais leurs enjeux et leurs connotations, morales et politiques, en sont profondément, chaque fois, bouleversés : parce que l'image et la couleur que chaque mot projette, soumises aux aléas des vents contradictoires, sont aussi illusoires que les mondes nimbés qui s'agitent en haut...



vendredi 11 janvier 2013

Dialogue



Qu'as-tu fait de ton lit ?

Je l'ai rempli, répondit le fleuve, avec ce que le ciel m'a envoyé de pluie, fugace et clandestine, comme tous les vivants qui habitent mon cours, et vont s'éternisant, au-delà de leurs jours, au fond de mon abîme, où s'éteint ce qui fut et renaîtra racines, emportées loin de moi, mais recueillant un peu de cette pluie des cimes, que la vieille machine, à jamais, me destine.



jeudi 10 janvier 2013

De sagesse lasse



Nous confondons trop souvent sagesse et indifférence.
Tout se passe comme si la vertu essentielle du sage était de laisser faire. Vous dîtes à un enfant "sois sage" et l'enfant, qui ne sait pas encore le sens perverti de ce monosyllabe, comprend "ne touche à rien", et l'enfant, par la même, a déjà tout compris.

Être sage, c'est avoir eu toujours les mains blanches de tout, c'est, du reste, se laver les mains de tout ce qui nous gêne, du beau ou bien du laid, du rire ou de la haine, c'est n'en avoir au fond strictement rien à faire d'être ici ou là, là ou là-bas : c'est épouser la cause du lâche qui s'en bat...

Ce sage là est bien plus répandu qu'on ne le croit : il sourit vaguement, et le monde applaudit son calme mesuré et maîtrise de soi, qui ne cachent rien tant qu'un lourd mépris de tout.
Ce sage là n'a jamais été partisan d'une idée bien à lui : profitant à l'étale d'un courant modéré, il n'a hissé la voile qu'au moment d'être vu, afin d'être admiré.

Le véritable sage est quant à lui bien rare : et pour cause, à peine sait-il penser qu'il a déjà un pied posé sur l'échafaud, et l'autre pied grattant le sable du mensonge, pour révéler le Vrai, avant le coup de faux.

Car à la vérité, l'ancien métier de sage n'est jamais à envier : les vieux sages fleurissent dans des contrées en paix, où leur bonne sagesse ne leur servira guère qu'à nourrir en mourant des théories de vers ; et le plus jeune sage, des pays bien en guerre, ne passe pas tant de saisons, car la sagesse enfin n'a jamais constitué qu'un manteau bien trop fin pour supporter l'hiver.

Alors, devant l'équation lasse, qui tend à faire du sage un mort, un isolé, ou juste un pauvre con, j'admets pour vérité cette phrase d'Amiel, allègre de promesses,

Le monde est à la Volonté
bien plus qu'à la sagesse






mercredi 9 janvier 2013

D'un souvenir plein, d'un amour vide



Nous perdons tout, partout, toujours, et c'est plus fort que nous : nous ouvrons la main et le coeur en même temps, et Tout s'enfuit, et Tout semble si flou, que même les yeux les plus avertis n'y reconnaitraient rien, n'y verraient que le Vide ayant chassé le Tout : le Vide, toujours plus fort que tout, le Vide ensemenceur, créateur, sans vergogne, de vacuité pérenne, qu'il nous faut accepter, puisque nous perdons Tout...


samedi 5 janvier 2013

La Nuit



L'Homme, déconnecté du monde,
connaît alors
La Nuit,
infini des possibles de l'Imaginaire,
espace enclos jadis par une cloison d'yeux
trop regardants,
et qu'une inclinaison vers des yeux plus discrets
- mais combien plus brillants -
rend à sa liberté, 
apprise de non temps.